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Je vous souhaite de très beaux voyages de lectures.

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Tim Zagat et sa femme Nina sont les heureux fondateurs des guides Zagat. Zagat Survey est le leader mondial des guides de restaurants, de voyages et de loisirs, dont les informations sont uniquement basées sur les opinions de consommateurs.

Rendez-vous au 76, 9th avenue dans le sud de Manhattan, pour rencontrer Tim et Nina Zagat, les fondateurs des célèbres guides Zagat Survey, confortablement installés dans leur nouveau bureau au neuvième étage de l’imposant et magnifique building Google. Je rêvais depuis très longtemps de rencontrer ce couple mythique, créateur de la célèbre petite bible bordeaux : « The Burgundy Bible », dans laquelle les commentaires et les classements ont plus d’importance que toutes les critiques des journaux et magazines réunis. Sa casquette vissée sur la tête, Tim, du haut de ses soixante-treize ans, a le regard rieur et espiègle d’un enfant content de son jouet. Nina termine les phrases inachevées de Tim, ces deux-là se complètent si bien. Leurs presque cinquante ans de mariage témoignent de leur complicité et de la solidité de leurs guides.

Premières expériences

Tim et Nina Zagat sont tous les deux originaires de la région de New York. Avocat spécialisé en droit des affaires, Tim a grandi à Manhattan et Nina, avocate spécialisée en droit immobilier, a passé son enfance à Long Island. C’est durant leurs études à l’université de Yale au début des années 1960 qu’ils se rencontrent avant de se marier en 1965. Puis ils partent ensemble travailler à Paris, chacun dans un cabinet d’avocats différent. Pensant n’être là que pour six mois, nos deux gourmets saisissent toutes les occasions d’aller découvrir et tester les restaurants de la capitale de la gastronomie. Ils conservent ensuite une liste de leurs expériences culinaires, sur laquelle ils notent avec précision leurs appréciations personnelles. Des conseils qu’ils donnent bien volontiers à tous leurs amis de passage. De retour à New York deux ans plus tard, nous sommes alors en 1970, ils organisent des dîners mensuels avec leurs amis et leurs collègues qui sont, comme eux, très gourmets et gourmands. Ils appellent leur groupe le Downtown Wine Tasting Association qui grossit peu à peu au fil des années.

Lors d’une soirée à la fin des années 1970, un des convives commence, après plusieurs verres de vin, à critiquer un jugement de restaurant rédigé par un journaliste reconnu du New York Times. Sous l’effet d’au moins autant de verres, Tim poursuit et propose à ses amis de rassembler leurs propres opinions. Cent personnes qui partagent la même expérience semblent plus fiables que l’expérience d’un seul critique !

Quelques jours plus tard, les Zagat ont établi un questionnaire très précis qu’ils distribuent à tous leurs amis et collègues, leur demandant de noter les restaurants de New York du plus simple au plus cher, pour ensuite établir une moyenne de tous les résultats. Chaque établissement est classé sur une échelle numérique allant jusqu’à trente, incluant la nourriture, le décor, le service et les prix, plus de brefs petits commentaires des enquêteurs-amateurs sur différents aspects du restaurant. Le petit guide bordeaux vient de naître. Les trois premières éditions sont données gratuitement aux amis et collègues qui y ont collaboré. Mais, très vite, le bouche à oreille aboutit à une demande croissante des petits guides, chacun en réclamant une copie. En 1982, six cents enquêteurs-amateurs donnent leurs appréciations des restaurants new-yorkais, si bien que le couple Zagat est très vite inondé de données dont ils ont dû externaliser tout le travail de saisie.

Success-story à l’américaine

À ce stade, Nina suggère à son mari qu’il devrait peut-être faire éditer le petit guide afin de rentrer dans leurs frais. Les deux avocats partent à la recherche d’un éditeur. Malgré leurs relations, rien n’y fait et personne n’adhère ni ne croit à leur idée. Pas de problème, les amoureux décident d’éditer le guide à leur compte et de se charger de le vendre. Ce qui n’était jusqu’à présent qu’un hobby est en train de devenir un vrai job. Comme dans les success-stories à l’américaine, c’est à bord de leur break Toyota Corolla qu’ils vendent directement aux libraires de Madison et de Lexington Avenue la première édition du très officiel Zagat New York Restaurant Survey. Ils en vendent 7 500 exemplaires la première année et 18 000 la seconde.

Un premier tournant se produit en 1985 lorsque le Guide Zagat dépasse le New York Times Restaurant Guide et fait la couverture du prestigieux New York Magazine. À partir de ce jour, les ventes s’envolent, passant de 40 000 exemplaires par an à 75 000 par mois ! L’expansion à d’autres villes des Etats-Unis semble cohérente, et Tim et Nina trouvent de nouveaux contacts à Chicago, San Francisco et Los Angeles. Les éditions du Guide de ces villes connaissent aussitôt le même succès. Tim quitte alors son cabinet d’avocat pour se consacrer entièrement à l’empire Zagat et Nina fait de même trois ans plus tard.

La mutation internet

Au début des années 1990, les Zagat sont intrigués par les nouvelles technologies qui permettent de donner par internet les informations qu’ils continuent de récupérer par courrier. Ils signent un contrat avec America Online, avant de finalement créer leur propre base de donnée online payante. En 2000, ce ne sont pas moins de quarante-cinq villes dans le monde qui voient leurs restaurants et hôtels référencés et notés dans les petits guides bordeaux. La technologie sans fil, ainsi que l’entrée dans le capital de la société de nouveaux investisseurs, permettent d’accroître un peu plus encore l’expansion des Guides Zagat. Lorsque plus de deux cent mille personnes soumettent leurs recommandations à Zagat Survey, LLC company (autrement dit une SARL), le nombre est si important qu’il est nécessaire de se faire aider par des conseillers membres de clubs de food and wines, et/ou des dirigeants d’entreprises qui dînent souvent dans les meilleurs restaurants de la planète, afin de vérifier la qualité des informations mises en ligne par les critiques-amateurs. Le système fait bien entendu des envieux et des détracteurs. Mais de l’avis du couple Zagat, leur guide est fait pour des clients qui paient et non pas pour les initiés du milieu des restaurateurs. « Ce système, me précise Tim, est forcément plus précis que l’avis de n’importe quel critique professionnel : un critique ne peut avoir qu’un nombre limité d’expériences dans un nombre limité de restaurants pendant une période de l’année, notre guide a du succès parce qu'il est précis et juste ». Voilà la recette de la réussite de ce guide.

Ce n’est pas pour rien que la petite maison d’édition de Tim et Nina a été achetée et est passée sous la bannière Google en 2011. Le guide Zagat, présent aujourd’hui dans une centaine de pays grâce à 350 0000 enquêteurs – entre autres à Paris – témoigne d'une mutation importante du genre. Le guide gastronomique en version papier perdurera dans quelques niches originales, mais a déjà basculé sur le net. Il existe de nombreux sites avec des listes impressionnantes de recommandations mais le principe des avis des lecteurs reste souvent aléatoire, car le « civisme » des intervenants n'est hélas pas toujours vertueux. Pourtant, comme le prouve l’exception de New York où les intervenants jouent le jeu et font part de leurs expériences avec une sincérité désarmante, il est possible d’avoir des avis solides et fiables. Espérons que les consommateurs des grandes métropoles de la planète élargiront cette chaine de critiques avec sérieux et honnêteté.

Les Zagat résident à Central Park West et sortent souvent dîner à l’extérieur, mais ils ne participent jamais aux sondages de leurs guides. Tim écarte l’idée que leur empire était préconçu : « Nous n’avions rien anticipé, je ne dirais pas que nous étions intelligents, je dirais que nous avons beaucoup travaillé. Ce qui était un hobby l’est resté pour moi et Nina ». Il reconnaît que le bon produit et qu’un bon sens du business ont été vitaux au succès de leur entreprise, en insistant sur le fait que le plus important pour eux a toujours été de faire quelque chose qu’ils aiment : « C’est la seule chose qui nous a permis de continuer et de tenir bon. Et lorsque vous devenez rentable, regardez tout en bas de la page et que tout ça c’est à vous, vous êtes fier de ce que vous avez fait ». Zagat propose également désormais des guides de loisirs, des restaurants en passant par les voyages, les sorties, le shopping, le golf, le théâtre, les films et la musique. Les contenus, disponible sur internet, permettent de trouver le lieu ou le service parfait correspondant aux besoins du client, basé sur un large choix de critères. La qualité et l’exactitude des informations proposées ont fait de Zagat une véritable référence en qui les consommateurs ont confiance.

Je quitte l’immeuble avec le dernier guide de New York et celui de Paris qui vient de sortir, enchantée par cette belle histoire et l’enthousiasme de mes hôtes. Avec les enfants nous décidons, guide en poche, de choisir un restaurant et de vérifier si les critiques-amateurs l’ont correctement noté.

Patricia Courcoux Lepic

 

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